Bruniquel 2018 : la B-side réussie du Concours de Machine

Les collectionneurs de 45 tours le savent : les faces B réservent parfois de belles surprises avec des morceaux moins sages, plus libres, plus rugueux. Pour preuve, souvenons-nous seulement qu’I Am The Walrus était la B-Side d’Hello, Goodbye.

Après deux éditions successives consacrées à la réinterprétation d’un thème qui a été au cœur de son histoire – la randonneuse légère – la 3e réédition du Concours de Machines a résolument choisi de passer à la face B, de prendre les chemins de traverse avec ces B-roads proposées comme terrain de jeu renouvelé aux constructeurs – ou quand le voyageur décide d’opter pour un plan B, en contrepoint de la route asphaltée.

B comme Bicyclette Baroudeuse de Bivouac

Ce pas de côté bienvenu a été l’occasion de démontrer la capacité qu’ont eu bien souvent les cadreurs d’apporter à un objet très particulier – le vélo de bivouac capable d’affronter tous les chemins – des réponses à la fois innovantes et fidèles à leur propre histoire. D’où la belle variété des solutions proposées.

Petit aperçu des B-roads du Concours de Machines 2018.

Si le terrain d’évaluation des randonneuses légères des deux premières éditions du concours se prêtait déjà parfois davantage à la pratique du VTT, il était permis de s’attendre à du lourd pour cette édition qui annonçait clairement la couleur. Et pour cela, le cadre de Bruniquel et de ses environs aura clairement été le terrain idéal avec ses sentiers rocheux, ses passages de gué et ses sous-bois détrempés.

Quand les pluies récentes transforment les passages de gué en véritables traversées de rivière : ici le pilote et cadreur de La Fraise franchit la Vère avant de rejoindre les hauteurs de Bruniquel où il recevra le 1er prix du Concours.

Mais si le circuit était exigeant, la beauté des paysages parcourus, le beau soleil de juin et l’accueil chaleureux de l’équipe organisatrice de cette 3e édition auront surtout permis aux pilotes de profiter du plaisir de rouler. Petit retour, donc, sur une édition réussie…

B comme Barème

La particularité – et tout l’intérêt – d’un Concours de Machines par rapport à un simple prix de salon du cycle est, rappelons-le, d’évaluer le comportement des vélos à l’occasion d’une série d’épreuves pouvant apporter bonifications et pénalités. La moitié de la note obtenue est ainsi liée au respect du cahier des charges en matière de poids, de prix et d’équipements et à la vitesse moyenne obtenue lors des épreuves. Le vote du jury compte quant à lui pour un quart de la note finale, à part égale donc avec le vote du public et des constructeurs cumulés.

Parmi les équipements requis cette année, on notera des éléments directement liés au programme de la bicyclette baroudeuse de bivouac :

  • un éclairage indépendant du vélo (pour une vie facilitée au campement),
  • le matériel nécessaire pour réaliser cinq opérations de maintenance (dont changement de rayon quel que soit le côté de la roue, réparation de crevaison, réglage des postes de pilotage et de la selle),
  • le ravitaillement pour un jour et demi (avec repas chaud du soir et du matin),
  • le matériel de bivouac (pour être à l’abri du froid et de la pluie et pouvoir profiter d’un sommeil réparateur),
  • une capacité de portage d’au moins 5 L d’eau sur le vélo.

Si cette quantité d’eau semblera excessive dans la plupart des cas, pour un vélo de bivouac perdu en terrain sauvage, elle assure une autonomie confortable ainsi que la possibilité de préparer le repas chaud du soir, la boisson du matin et une toilette minimale.

Trois cadils sur les porte-bidon du La Fraise et deux à l’arrière des sacoches avant : c’est souvent dès la conception du cadre qu’il faut avoir prévu l’emplacement des 5 kilos d’eau.

S’ajoutaient à ce cahier des charges des équipements non obligatoires mais offrant une bonification, notamment :

  • une protection contre les projections d’eau et de boue;
  • un éclairage et chargement électrique autonome avec générateur.

Évidemment, comme lors des précédentes éditions, toute pièce maison fabriquée ou substantiellement modifiée par le cadreur ainsi qu’un éventuel dispositif de compactage du cadre pour son transport ouvraient droit à bonification.

Un authentique tout terrain dont le cadre se replie rapidement (cycles Air). Voilà qui ne se trouve à peu près qu’au Concours de Machines.

En somme, au vu du cahier des charges, on comprend que si le terrain d’essai était celui des Causses du Bas-Quercy, la fiche technique des vélos et de leur équipement est bel et bien prévue pour leur permettre d’affronter sans encombre des terres plus lointaines et des conditions plus rigoureuses.

B comme B-roads à Bruniquel

Les épreuves se sont déroulées les vendredi 15 et samedi 16 juin avec un long parcours de 100 km le premier jour et de 50 km le second, le tout majoritairement sur chemin. Elles étaient l’occasion de vérifier in situ les critères d’évaluation :

  • portage du vélo et de son chargement :

Le cadreur des cycles Cattin utilisant la poignée caractéristique de la marque au-dessus de la boîte de pédalier.

  • étanchéité des sacoches :

  • fiabilité des pneumatiques :

Les tubeless de Loris, médaille d’argent du Concours, n’auront pas été ménagés par les cailloux du Tarn-et-Garonne.

Les pilotes ont bivouaqué entre ces deux épreuves, ce qui a permis là aussi au jury d’évaluer la pertinence des différentes solutions de couchage retenues.

Samuel Becuwe, membre du jury, aura suivi les concurrents sur une bonne partie des épreuves afin de juger sur pièce le comportement des machines.

Au matin de la seconde épreuve, le premier point de contrôle est situé aux ateliers de PechTregon, qui offre aux concurrents un café bien venu. C’est l’occasion d’un contrôle inopiné de la capacité de portage de 5 L :

Lors du contrôle, démonstration par Laurent Lamouric, des cycles Loris, de la capacité de la poche à eau qui sera introduite dans les sacoches de cadre intégrées.

Mais si les parcours étaient exigeants, les paysages apportaient quant à eux du baume au cœur des pilotes.

Le point de contrôle n° 2 du second parcours est l’occasion pour les concurrents de jeter un coup d’œil mérité sur le résultat de leur ascension.

Il est vrai que la région offrait une belle diversité entre chemins de vallée détrempés par des semaines de pluies, coteaux escarpés et promontoires coiffés de châteaux.

Le village et les ruines du château de Penne.

Les deux journées d’épreuves ont été conclues par un circuit nocturne dans les rues du village escarpé de Bruniquel, le but étant de valider l’efficacité de l’éclairage sous les yeux du jury et du public.

De nuit, un bon éclairage était nécessaire pour négocier les ruelles pavées et les escaliers de la vieille ville.

Le « in »

Le samedi et le dimanche étaient les journées du public avec un concert le samedi soir et, le dimanche matin, une petite balade pour aller déjeuner dans le village perché de Puycelsi (qui sera cet été l’un des points de contrôles de la French Divide).

Cette balade matinale a été l’occasion pour le public de rouler en compagnie des machines, de toute l’équipe du concours et d’une belle variété de bicyclettes.

Matthieu Chollet, cadreur de PechTregon, vainqueur du Concours de Machines 2017 et hôte de cette 3e édition. La belle ambiance de rencontre amicale de cette édition 2018 lui doit beaucoup.

Les gros pneus des fat bikes ont fait une irruption remarquée dans ce 3e Concours de Machines. Yann Thomas, cadreur de Salamandre (à gauche), était bien entouré par d’heureux possesseurs de Salamandres.

Petor Georgallou de Dear Susan bicycles perché sur l’une de ses machines : un étrange vélo géant où l’on retrouve notamment des pièces de Brompton…

Lors des après-midi, l’exposition des Machines dans l’enceinte du château constituait évidemment un temps forts : c’est le moment où public, pilotes et constructeurs ont l’occasion d’échanger les uns et les autres autour de réalisations d’exception.

Joël Dunkle, le pilote de Menhir, expliquant la fonction de la mini-pelle intégrée au cadre.

À Bruniquel, le public était particulièrement intéressé et connaisseur.

… et le « off »

Au Concours de Machines, et cela fait partie de son charme, les bicyclettes remarquables ne se rencontrent pas seulement dans la salle d’exposition. Le Concours est aussi l’occasion d’admirer les réalisations présentées sur les stands des cadreurs. On a ainsi pu voir cette année Cyfac, Victoire…

La très belle réalisation de Victoire pour l’un des organisateurs du Concours.

…ainsi que des fabricants d’équipements de qualité destinés à la randonnée à vélo, avec en particulier une belle offre de sacoches (Berthoud, Tim Tas & Rek, Helmut Equipement…). C’était aussi l’occasion de découvrir l’un des deux prototypes de selle Idéale équipé d’un croissant alu et de cuir ajouré.

Environ 70 g de moins pour cette nouvelle version légère de la selle Idéale dont il n’existe pour le moment que deux modèles : l’un était sur le stand de la marque, l’autre sur la machine des cycles Cattin.

Un équipementier proposait des garde-boue et des porte-bidon en bois, à la fois solides et légers.

Les participants du Concours montraient aussi leurs autres réalisations comme Menhir, Baudou, Jolie Rouge ou l’Italien Silio frameworks :

On a par ailleurs pu voir au stand de PechTregon un vélo vu sur les épreuves du Concours et qui aurait pu faire bonne figure s’il avait concouru :

Et bien souvent, c’étaient les bicyclettes du public elles-mêmes qui méritaient le coup d’œil.

Le Concours de Machines, c’est aussi l’occasion (rare) de voir un dérailleur Nivex encore en service.

Une fête de la bicyclette artisanale

Les stands, la balade matinale, les rencontres ont donné à ce concours un air de fête du vélo, et les châteaux de Bruniquel n’y étaient pas pour rien.

La cour du château…

… et la salle de repas.

Les traditionnels goodies n’avaient pas été oubliés mais les organisateurs ont su faire preuve, ici comme ailleurs, d’originalité :

Capots de potence siglés « Bruniquel 2018 ».

Le palmarès

Cette fête s’est achevée par la remise des prix au terme de quatre journées où les machines auront donné au jury, à la commission technique et au public la mesure de leurs qualités.

Remporter un prix au Concours de Machines est une belle preuve de savoir-faire pour un constructeur. Cela signale sa capacité à concevoir un vélo cohérent pour un usage bien précis, à doser le juste compromis en matière de poids, de prix et d’inventivité tout en proposant sur le terrain une machine fiable et performante jusque dans les épreuves exigeantes du concours. Et voici donc ceux qui, en 2018, auront particulièrement su relever ce défi :

  • 1er prix du Concours de Machines & Prix du public : La Fraise Cycles

En cohérence avec le classicisme des cycles La Fraise, Andreas Behrens propose un tout rigide qui aura parfaitement relevé les défis multiples du Concours.

  • 2e prix du Concours de Machines : Loris fibre

Loris a proposé avec sa machine une véritable ode au carbone et à l’inventivité technologique.

  • 3e prix du Concours de Machines : Menhir cycles

Sous la robe d’un VTT « rat », Menhir propose un vélo couteau-suisse inventif et performant.

  • Prix du jury : Air cycles

 Air cycles a commencé fort avec un tout terrain démontable et une potence qui rappelle aux connaisseurs que ce jeune cadreur a été à bonne école.

Au terme de cette édition réussie, la question du prochain rendez-vous était naturellement sur beaucoup de lèvres. 2019, c’est l’année du Paris-Brest-Paris, et il se murmure de plus en plus que le prochain thème pourrait trouver là un beau prétexte à remettre les constructeurs en lice. Reste que Bruniquel aura marqué un tournant important pour la nouvelle formule des Concours de Machines en démontrant leur capacité à tenir la fréquence annuelle sans tomber dans la redite, à s’adresser à un public, connaisseur et amateur de savoir-faire, bien plus large que ce que les organisateurs avaient sans doute osé espérer. Car ce fut bien l’une des réussites de cette édition : montrer que le Concours de Machines, après avoir été adossé deux années à une grosse cyclosportive, a désormais acquis la notoriété suffisante pour drainer son propre public.

Et de même que la 2e édition consacrée à la randonneuse aura permis à beaucoup de cadreurs d’améliorer leur prise en compte du programme, de même il sera intéressant de voir, à l’avenir, le Concours revenir sur la thématique de 2018 afin de creuser les pistes d’amélioration : l’intégration des solutions de bivouac et la réduction du poids en sont quelques-unes. Car beaucoup de ceux qui étaient présents cette année espèrent en effet retrouver, lors d’une prochaine édition, l’ambiance et le cadre parfaits qu’auront constitué, pendant 4 jours, Bruniquel, ses châteaux, ses passages de gué et ses pentes caillouteuses.

Andreas Behrens des cycles La Fraise laisse derrière lui  l’asphalte et les panneaux routiers pour suivre une voie plus sauvage : voilà un parfait résumé de ce Bruniquel 2018.

À suivre : gros plan sur le podium du Concours de Machines

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