La Fraise : 1er prix du Concours de Machines 2018

Pour La Fraise, la troisième participation au Concours aura donc été la bonne. Le lauréat de cette année est ainsi bien placé pour savoir que le principe même d’un concours implique d’écarter des contributions de valeur. Car si La Fraise est resté à l’écart des récompenses des deux premières éditions, ses réalisations n’en ont pas moins été remarquées pour leur capacité à concilier avec élégance le modèle classique et les standards actuels attendus sur une randonneuse performante. En 2017 notamment, La Fraise avait proposé un cadre à raccord et un travail sur le porte-bagage avant qui donnaient la mesure de la maîtrise technique désormais atteinte par le cadreur roubaisien.

En se confrontant cette année au programme B-road, La Fraise a réalisé un vélo différent du cœur de sa production habituelle. C’est d’ailleurs l’un de ses mérites que de s’être mesuré à des cadreurs chez lesquels le tout terrain occupe une place centrale. Reste qu’en participant l’année dernière à la French Divide et en préparant cette machine-ci pour reprendre en 2018 la route exigeante de cette traversée de la France par les chemins de traverse, Andreas était parfaitement au fait des critères à remplir.

Le cadreur a en effet su répondre à ce programme en restant à la fois fidèle à son style et en sachant prendre pleinement en compte les contraintes d’un terrain accidenté. Comme on va le voir, tout dans cette machine participe de ce bel équilibre.

Machine et pilote en livrée bicolore pour cette édition 2018.

Côté esthétique, La Fraise reconvoque la livrée bicolore du Concours 2016 mais avec un émaillage plus séduisant qui, dans un jeu de dégradés, mêle vert sombre et blanc laiteux.

La machine du Concours de Machines 2018 : un tout acier en Columbus pour le cadre et Reynolds 631 pour la fourche.

Ce tout rigide affiche sa prédilection pour le tout terrain par un sloping plus marqué que sur les productions habituelles de La Fraise.

Mais même sur cette machine de grand chemin, le cadreur ne renonce pas à un certain classicisme en préférant une fourche cintrée à un modèle suspendu et en faisant écho, pour le tube de direction et le tube de selle, à la technique des raccords par l’utilisation de tubes doublés et découpés. Il répond ainsi avec une belle finesse à l’exigence de solidité accrue qu’impliquait le programme de cette année:

Un tube enchâssé dans un autre découpé font office de renfort et de raccord fait maison.

Le même principe de double tube a été utilisé pour le raccord de selle avec découpe façonnée en pointe sur le devant:

Comme à l’avant, la livrée bicolore permet de souligner le travail sur deux tubes.

Autre écho aux raccords, la belle tête de fourche à doubles plaquettes, suffisamment spacieuse pour laisser passer les gros pneus, leurs crampons et la boue qui vient avec:

Si la fourche est rigide, elle accepte en revanche une largeur de pneu (47 mm avec garde-boue, 60 mm sans) propre à assurer un amorti confortable. De quoi mettre à distance une bonne partie des cahots du chemin.

La Fraise est fidèle au 650B, mais un 650B vitaminé cette fois-ci. Le passage de pneu est confortable et laisse largement la place aux 52 mm de ces WTB Nano.

Quoique plus sobre que sur les modèles des concours précédents, la potence est une fois de plus du fait maison:

Et le tube supérieur accepte les informations d’urgence demandées par le règlement du concours – ou ici, au choix, un accessoire à visser. S’il y a fort peu de chances que le personnel médical en France procède à une transfusion sur la base de cette seule information, elle pourra néanmoins avoir son utilité dans certains cas d’extrême urgence ou dans d’autres pays.

Nom du pilote, groupe sanguin et allergies éventuelles, n° de téléphone d’une personne à contacter : cela fait aussi partie des aspects pratiques prévus par le concours.

Le travail des pattes confirme quant à lui que le vélo est destiné aux conditions exigeantes avec des axes traversants (148 mm à l’arrière) qui confèrent sûreté et rigidité accrue pour un freinage à disques, notamment à l’avant.

Les œillets sont bien présents et ils permettront, au besoin, de donner à ce tout terrain un air plus sage de randonneuse à garde-boue et porte-bagage classiques.

Le dimanche, certaines machines portent les stigmates des épreuves, et parfois davantage que quelques traces de boue. Le lauréat n’y échappe pas.

Enfin, toujours pour ce qui concerne le travail du cadre, les passages de câbles ont le plus souvent été effectués en interne.

Câble de frein arrière via le tube supérieur et câble de dérailleur et d’alimentation du feu arrière par le tube diagonal.

Non, décidément, le tout terrain vu par La Fraise ne néglige pas l’aspect esthétique.

Le traitement de l’éclairage suit le même principe de routage interne, du moyeu avant jusqu’au phare arrière.

Sans avoir recours au connecteur intégré SL de chez SON, La Fraise ne néglige toutefois pas la discrétion d’un routage interne.

On retrouve d’ailleurs pour le passage de câble arrière un traitement typique de La Fraise, ou quand la contrainte – en l’occurrence une sortie de câble sous la tige de selle mais un positionnement sur le haut du tube de selle pour une meilleure visibilité – provoque le petit effet de style.

La signature La Fraise : un portion de routage externe avec un simple œillet brasé.

Déjà vu sur quelques machines en 2017, le chargeur USB relié à la dynamo s’est généralisé au cours de cette édition puisqu’il figurait parmi les bonifications. La Fraise en étend le champ d’action en associant ce chargeur à une batterie intégrée qui continue à alimenter l’équipement et l’éclairage même à très basse vitesse.

Dans le pivot de direction se dissimulent un chargeur et une batterie tampon

Comme plusieurs constructeurs, La Fraise confie l’illumination de son chemin à un phare SON. Le réflecteur de Busch + Müller qui équipe l’Edelux II est d’une efficacité redoutable sur route mais son avantage (un faisceau qui n’éblouit pas le conducteur d’en face et concentre sa puissance sous la ligne d’horizon) se transforme en inconvénient sur piste où il est utile de voir suffisamment tôt les branches à hauteur de tête. Le phare du La Fraise était certes orienté vers le haut mais le faisceau perd alors une partie de son efficacité. En réalité, il n’existe pas sur le marché de phare pleinement adapté aux deux usages, tandis que les randonneuses du concours avaient bien à respecter une certaine polyvalence entre route et chemin…

Côté transmission, La Fraise est propulsée par l’hégémonique monoplateau mais, encore une fois fidèle à son style, la maison a eu recours pour le pédalier à une élégante finition argent procurée par White Industries.

36 dents à l’avant et 10-42 à l’arrière permettent d’aborder sans souci les chemins les plus raides avec le chargement du bivouac

Au dérailleur SRAM Force CX1 revient la charge d’alimenter la cassette 10-42.

La capacité de portage était l’un des critères principaux mis en avant par le règlement du concours: la machine devait transporter tout un matériel de bivouac, la nourriture des repas ainsi que 5 litres d’eau. Côté bivouac, La Fraise a intelligemment économisé du poids et du volume en utilisant le vélo retourné comme armature de tente. Trois porte-bidon associés aux bidons d’un litre de Zefal et deux poches sur les sacoches avant permettaient quant à eux de remplir le contrat pour la question de l’eau.

La Fraise n’a pas recours à la quasi omniprésente sacoche de cadre. L’espace resté libre permet ainsi de stocker trois grands bidons faciles d’accès.

L’ensemble des bagages prenait place de part et d’autre de chaque roue sur des armatures légères à deux points. Une nouvelle fois, La Fraise a collaboré avec TimTas & Rek qui s’est spécialisé dans les supports de sac cintrés sans soudure et qui développe la bagagerie spécifique.

Sur mesure : la fixation cintrée du support de bagage placée sur le côté du hauban limite au maximum le débordement des sacoches de part et d’autre du vélo.

Bien que la solution soit minimaliste et légère, le fait d’avoir traversé sans encombre les deux épreuves sur terrain accidenté ainsi que les séances de portage montre que le système a été bien proportionné : une pression de la main suffisait à constater que la rigidité latérale est tout à fait satisfaisante, d’autant plus que l’essentiel de la contrainte s’exerce du haut vers le bas, là où les deux points de fixation offrent une résistance maximum. C’est l’un des intérêts du concours de machine : lever les doutes sur un système séduisant sur le papier mais dont on ignore s’il est fiable.

Autre avantage, et c’était là aussi une des demandes du règlement, la pose et le retrait des sacoches est extrêmement rapide grâce à un simple système de scratch, moins cher, plus léger et aussi rapide que n’importe quel mécanisme d’accrochage rapide:

La présence de ce portage léger destiné au concours n’a pas empêché le cadreur d’équiper sa machine de tous les points d’encrage nécessaires pour recevoir au besoin un chargement plus lourd.

Les œillets brasés sur la tête de fourche, les fourreaux et les pattes pourront accueillir si nécessaire un solide ensemble de porte-bagage et de surbaissés.

On l’a dit, le portage de la machine elle-même avec son chargement était clairement annoncé dans le programme. Ici comme ailleurs, La Fraise prend la consigne au sérieux et y répond une fois de plus avec un mélange de simplicité, d’efficacité et d’élégance. Car quoi de mieux qu’une large bande de cuir pour venir confortablement faire reposer le poids de la monture chargée en épousant l’épaule du pilote ?

Encore une fois, rien ne remplace l’observation des machines en condition pour vérifier qu’une solution est bonne au-delà du papier. Et c’est le mérite du concours que de la confronter à l’usage du terrain :

La Fraise précédé de Jolie Rouge. Deux portages différents lors du passage de gué. Une fois l’un des bidons rangé à l’arrière du maillot, Andreas accueille le chargement, par l’intérieur du cadre, en position droite et stable.

En somme, s’il est rare, dans le monde du cycle, de voir apparaître une authentique invention dont on ne pourrait pas trouver un système précurseur parmi d’anciennes archives, l’un des mérites du Concours est de faire apparaître ce genre d’astuces, souvent modestes, mais parfaitement fonctionnelles. Car s’il est un principe fondamental dans toute l’histoire du cycle, c’est bien celui de l’économie de moyens. La Fraise aura su appliquer ce principe avec une indéniable réussite dans le portage des bagages et pour le portage du vélo lui-même.

La bicyclette lauréate d’un concours de machine doit savoir répondre de façon convaincante à une grande variété de critères, et – à l’exception des garde-boue – la proposition de La Fraise a su le faire pour l’essentiel: sans se départir de l’élégance classique qui caractérise ses productions, Andreas Behrens a produit un authentique tout terrain parfaitement équipé pour être autonome et qui a su se révéler fiable et performant sur un circuit difficile tout en étant pratique à l’usage, y compris une fois descendu de la selle.

Et de la même manière que cette machine s’est révélée variée dans ses qualités et ses aptitudes, on ne peut s’empêcher de se dire, en l’observant dans le détail, que le cadreur qui l’a réalisée manifeste à un beau niveau tout à la fois les qualités de l’habile artisan et du concepteur ingénieux.

Andreas Behrens, pilote et cadreur de La Fraise, sur les chemins de Bruniquel.

Site du cadreur : lafraisecycles.fr

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À venir : la suite du podium du Concours de Machines 2018

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