Le directeur de 200 l’a souvent répété : quand le Concours de Machines a été lancé, les organisateurs espéraient une petite dizaine de participants, en raison notamment du délai assez court accordé aux constructeurs (le concours a été annoncé publiquement début février, certains cadreurs en ont eu connaissance un peu plus tard). Ils seront finalement une vingtaine à répondre à l’appel. Cette bonne surprise, on la doit sans doute à eux, les « rookies », les amateurs et les tout nouveaux venus dans la fabrication du cadre de vélo.
L’autre surprise, c’est le niveau d’emblée atteint par les machines des nouveaux venus. La machine de Milc – Goblin bikes, développée par une petite équipe et qui relève pratiquement du prototype industriel, arrivera à la deuxième place du classement général, quant à la machine de Sébastien Klein, 1er prix des amateurs, la qualité de sa finition ne déparait pas les productions des cadreurs chevronnés. C’est donc par eux que je commencerai ma petite revue de détail du Concours de Machines 2016.
Fée du vélo (Nevers, Nièvre)
Swanee Ravonison tient une boutique de vélos à Nevers et une chronique dans le magazine 200. Elle a appris le cadrage l’année dernière auprès d’oTm et a opté pour le brasage parce que, trouve-t-elle, « la flamme est plus poétique que l’arc électrique ».
La machine qu’elle présente au concours est sa deuxième réalisation. Au cadre en Columbus Zona est associée une fourche carbone. Les roues de 700 sont habillées de Compass Staped pass (32 mm).
Au programme de la randonneuse légère, Fée du vélo apporte une réponse minimaliste et épurée, à l’image du cadre laissé en aspect brut verni : pas de garde-boue, bike pack à l’arrière pour le transport du chargement et éclairage à batterie.
On trouve, à l’avant, quelques petites touches qui achèvent de donner sa personnalité à la machine, un assemblage de mots et de belles lettres qui, à l’image du nom de l’enseigne, sont comme des injonctions amicales à pédaler plus fort.
Mais tout cela ne doit pas faire oublier que la machine est là pour être efficace. Le cintre Dajia Far Bar de Velo Orange permet de varier les positions sur la longue épreuve du vendredi et d’assurer un bon pilotage dans les descentes sportives du gravel.
Site de la cadreuse : feeduvelo.com
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Histoire (Saint-Clément-De-Régnat, Auvergne)
Le vélo Histoire est présenté hors concours car il s’agit d’un vélo monté sur un cadre fabriqué en petite série hors de France.
Quelques petits détails qui illustrent une fabrication plutôt propre :
Site de la marque : histoire.bike
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Sébastien Klein
Après avoir appris auprès des cadreurs londoniens Jake Rusby et Caren Hartley, Sébastien Klein présente au concours l’un de ses tous premiers cadres. La référence à la randonneuse française en 650 B est évidente (le 650 B demi-ballon, les garde-boue polis, la sacoche de guidon…), mais la référence a clairement été relue à la lumière de l’école américaine (JP Weigle, Mitch Pryor…)
Sébastien Klein a en effet le détail discret : l’essentiel passe par l’harmonie des proportions, le travail de la peinture, qu’il réalise lui-même, et le polissage patient. Il en ressort un résultat à la fois frais et classique.
Une attention particulière a été portée à l’intégration de l’éclairage, j’aurai l’occasion d’y revenir dans l’article thématique qui viendra clore cette série sur Ambert. Dans un premier temps, devant cette machine, on n’a pas envie de parler de technique, juste d’apprécier le travail de la peinture, d’un beau bleu métallique, qui fait particulièrement bien ressortir le travail du cadreur.
Bien que les pièces polies soient nombreuses sur cette randonneuse, aussi bien sur le cadre que sur les composants, on ne les trouve jamais en excès.
Sébastien Klein a fait le choix d’un moyeu SON avec connectique SL passant directement dans la fourche par contact : aucun fil ne dépasse sur sa machine.
Tout est réalisé dans les règles de l’art comme ici, par exemple, le montage du garde-boue avec rondelle en cuir :
Sébastien Klein a aussi réalisé le décaleur :
… et le porte paquet avec support de phare et routage interne du câble :
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Cycles LaFraise (Roubaix)
Les cycles LaFraise, qui fêtent leur 1er anniversaire, présentaient au Concours de Machines une randonneuse noir et blanc.
Cette machine n’a pas eu de chance : elle a rencontré un problème de dérailleur avant lors de la première épreuve, un phénomène de vrille en descente dans la deuxième et son pilote, blessé au genou, a dû abandonner dans la troisième.
Reste que le vélo a été équipé de bons composants (White Industries, SON…) et se distingue surtout par de beaux raccords et un routage des éclairages soigné (sauf au niveau du porte-paquet).
On peut regretter d’ailleurs que le traitement bicolore (cadre blanc et composants noirs), qui n’est pas déplaisant à distance, ne mette pas vraiment en valeur le travail des détails du cadre.
En somme, le travail d’Andreas Behrens est prometteur mais dans un concours de machines où les constructeurs donnent leur meilleur, le moindre faux pas se remarque.
Le porte paquet lui-même présente un beau travail de cintrage. Il est entièrement vissé plutôt que soudé. Cela permet, au prix d’un léger sur-poids, de retirer éventuellement le support de phare :
Peut-être Andreas Behrens a-t-il souffert comme d’autres des délais un peu courts. On a d’ailleurs pu constater que les autres randonneuses exposées par le fabricant sont très bien finies.
Site du constructeur : lafraisecycles.fr
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Milc – Goblin bikes (Lannemezan, Hautes Pyrénées)
La machine de Milc est incontestablement celle qui aura poussé le plus loin la recherche de l’innovation technique inscrite dans les critères du concours, et ce grâce à la petite équipe de concepteurs qui a oeuvré à sa réalisation.
L’équipe s’est aussi fixée comme objectif – et c’était un des autres critères du concours – de réaliser le maximum de pièces en interne. Ce sera notamment le cas de l’ensemble des raccords du cadre, y compris la boîte de pédalier, usinée par Milc. Cette machine est ainsi une vitrine de la capacité de Milc a déployer des compétences industrielles variées pour répondre à une commande de vélos en petite série.
À l’avant, le porte-paquet prend appui sur la tête de fourche biseautée. Le support à mi-fourche sert aussi de guide câble pour le câble de frein.
Le phare est intégré au tube de direction, façon B’Twin Tilt, lui-même surplombé par une prise USB orientée vers le cycliste.
L’alimentation est fournie par une dynamo Velogical fixée à l’arrière du vélo, sous les bases.
Malgré la présence d’une épreuve gravel, le Milc était la seule machine équipée d’une suspension.
La selle est fixée par un cappy PMP au tube de selle intégré :
La Milc est équipé de garde-boue en composite.
Les roues 650B du Milc sont montées avec des Compass de 42 mm de section. C’est large et l’espace restant entre le pneu et le garde-boue est bien étroit. La remarque fait sourire celui-ci qui présente la Machine : « C’est étroit mais ça passe, c’est l’essentiel ! »
Pourtant, le 2e jour, la machine de Milc n’avait déjà plus son garde-boue avant et, le lendemain, dès les premiers tours de roue dans le secteur gravel le pilote devra aussi retirer le garde-boue. Probablement que les graviers qui montaient avec le pneu frottaient dangereusement le garde-boue, et le risque de détériorer la chape des Compass était réel. En conditions humides, le risque de bourrage aurait sans doute été encore plus important.
L’autre point gênant, c’est le positionnement du phare qui, en pratique, empêche de transporter un sac sur le porte-paquet pendant un trajet de nuit.
Reste que malgré ces petits raffinements technologiques, le Milc, qui a été pesé à un peu moins de 11 kg tout équipé, fait partie des cinq machines les plus légères du concours.
La machine Milc – Gobelin bikes a reçu le 2e prix du concours de machines.
Site du fabricant : milc-industry.com
Voir aussi la brochure de présentation de la machine.
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Cycles Petrus (Haute-Saone)
Le vélo présenté au Concours de Machines est le troisième réalisé par les cycles Petrus en même temps que le troisième à tubes jumelés. Et afin que le résultat soit encore moins banal, le cadreur a choisi de le monter avec des roues à jantes en bois, ce qui achève de lui donner un petit côté rétro.
Le ruban de cintre façon liège s’accorde bien avec le bois des jantes et du garde-boue arrière.
Le mini garde-boue était une bonne idée. Dommage que le choix de la fourche carbone n’ait pas permis de faire la paire.
Julien Petrignet, le cadreur, qui était son propre pilote, a confié avoir un peu souffert lors des épreuves sur route du comportement des roues en bois, qui se sont révélées paradoxalement plus à l’aise lors du gravel. Il est vrai que les versions à pneu qu’il utilisait sont sensiblement plus lourdes que les versions pour boyaux.
Au final, à part un petit jeu dans la direction au terme de l’un des parcours, pénalisé par le jury, le vélo a plutôt bien traversé les épreuves.
Quand on s’approche, en revanche, le Petrus pêche parfois un peu dans les détails :
Enfin, concernant le câblage des phares, le cadreur reconnaît avec le sourire que ce fut fait un peu à la va-vite, et il est presque étonné que le jury n’ait rien trouvé à redire.
Il est vrai que cela détonne en comparaison du soin mis par d’autres cadreurs à faire quasiment disparaître toute trace de fils de leur machine de concours. C’est d’autant plus regrettable que le câblage du frein arrière et du dérailleur avant, tout en interne, a été quant à lui relativement soigné sur le Petrus.
Page FB des cycles Petrus
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Voilà pour les « rookies ». Je mets un peu d’ordre dans mes photos et je vous présente très vite les belles réalisations de la « nouvelle vague » des cadreurs qui, depuis une petite dizaine d’années, renouvellent la bicyclette artisanale française (Victoire, Vagabonde, Edelbikes, Julie Racing Design…)
Voir aussi les autres articles de la série consacrée au Concours de Machines 2016 :
– Ambert 2016 [1/5] : la renaissance du Concours de Machines
– Ambert 2016 [3/5] : la nouvelle vague des cadreurs français
– Ambert 2016 [4/5] : les cadreurs historiques
– Ambert 2016 [5/5] : composants et choix techniques
Sur la photo du raccord du haut du tube de selle de LaFraise, les renforts du raccord (qui sont la pour faciliter le brasage) auraient du etre limés… Et les pointes des haubans ne tombent pas vraiment en face… Dommage….
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Merci pour ces précisions. Je m’étais effectivement fait la remarque pour les pointes des haubans. J’ignorais en revanche pour les renforts des raccords. Apparemment le cadreur aussi. Et s’il s’agit d’un effet, le renfort aurait été plus harmonieux en se prolongeant d’un bout à l’autre du raccord. Je vais préciser la légende de la photo.
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