Ambert 2016 [4/5] : les constructeurs historiques au Concours de Machines

Certains d’entre eux sont des cadreurs isolés, d’autres ont parfois réuni une véritable petite équipe, certains se consacrent exclusivement à la fabrication de vélos sur-mesure, d’autres en font un complément de leur activité dans le domaine du cycle. Tous ont cependant en commun de perpétuer la fabrication de cadres depuis plusieurs décennies et d’avoir acquis un savoir-faire dont on a pu voir de beaux exemples lors de ce Concours de Machines. Preuve que l’un n’empêche pas l’autre, c’est même à eux que l’on doit quelques unes des plus belles innovations présentées à Ambert cette année.

Autre élément encourageant dans un secteur fragile où, depuis les années 80, beaucoup de grands noms ont disparu, quatre des six cadreurs « historiques » dont on va parler ici ont soit déjà été repris par un successeur, soit sont en phase de transmission. La bonne nouvelle c’est que les machines exposées montraient que la transmission ne concernait pas seulement le nom mais aussi et surtout le savoir-faire qui lui est associé.

Philippe Andouard (Saint Juéry, Tarn)

Philippe Andouard fabrique des cadres acier depuis plus de 20 ans, près d’Albi, parallèlement à son activité de revendeur. C’est aussi un ancien compétiteur. Il n’est donc pas étonnant que sa machine révèle un souci d’efficacité et de performance. L’émaillage noir mat / rouge brillant rompt avec le classicisme ou la sobriété de la plupart des autres machines. Bien que travaillant en acier (ici du Columbus Spirit), Philippe Andouard semble en effet inspiré par les codes visuels du vélo de route. Sa machine est bien une randonneuse mais presque sans en avoir l’air.

Andouard full

De loin, le Philippe Andouard a des airs cyclosportifs. C’est au second coup d’œil et en se rapprochant qu’on découvre tous les ingrédients de la randonneuse légère.

Dans le détail, le cadreur montre un goût pour les petites astuces et les innovations. Puisque le règlement stipule que le pilote ne doit rien emporter dans les poches, Philippe Andouard a fait appel à quelques accessoires Specialized pour le transport de la maintenance. Les porte-bidon à kit intégré :

Andouard outils

Les boîtiers contiennent tout le nécessaires pour les interventions courantes : chambre à air, leviers, capsule de CO2, multi-outils.

Le capot de potence à dérive-chaîne et maillon rapide intégrés vient lui aussi de chez Specialized :

Andouard outils direction

Moins anecdotique, on remarque – ou plutôt on ne remarque pas – le serrage de potence invisible, tout comme le serrage de selle :

Andouard hauban

Et l’on comprend que Philippe Andouard a un vrai souci de l’épure et des belles lignes. La courbe des haubans est là pour améliorer la dynamique du cadre, ça ne l’empêche pas d’être belle. Quant au tube de selle, il arbore joliment le logo du concours.

Ce mélange de souci de la forme et de recherche de l’innovation, on le retrouve aussi au niveau du train roulant. Le freinage à disque est soigneusement intégré avec un beau support d’étrier de freinage et un disque peint aux couleurs du vélo :

Andouard disque avant

Les pattes noires s’élèvent élégamment en pointe vers les fourreaux rouges et les tringles sont courbées des deux côtés de la fourche, pour ne pas rompre la géométrie.

On note au passage que les roues sont montées avec un nouveau système de tampons soft wheel destinés à limiter les vibrations, ce qui a pour but d’améliorer l’adhérence et de limiter l’engourdissement des mains sur les longs trajets (une double page est consacrée au système dans la livraison estivale du magazine 200). Andouard aime décidément les innovations.

Les pneumatiques sont des Schwalbe One, qui taillent à un peu plus d’une trentaine de millimètres dans leur version tubeless et avec lesquels le pilote, Jérémy Loubeau, a fini dans les premières places aussi bien sur route lors de la deuxième épreuve qu’au terme du gravel.

Les garde-boue reprennent la finition bi-colore de la machine. On peut leur reprocher de ne pas être très enveloppants et d’être un peu courts à l’avant. Le fait est qu’ils cherchent surtout à se faire oublier.

Andouard GB avant

Les garde-boue : discrets de profil et accordés aux couleurs de la machine.

Parmi les autres détails du cadre, notons la plaque de pontet personnalisée :

Andouard arriere

Le pontet frappé des initiales du cadreur.

Une potence sur-mesure :

Andouard face

Comme le tube de selle, la potence est à serrage invisible sur le tube de direction.

Enfin, la perforation des plateaux est une vieille habitude de Philippe Andouard. On a parlé récemment sur Cyclodonia de cette pratique populaire dans les années 70 et 80. Le cadreur a souhaité ajouter à son montage cette petite signature dont on peut toutefois trouver qu’elle aurait eu davantage sa place sur des plateaux polis que sur une anodisation noire.

Andouard plateau perforé

Les plateaux perforés : un clin d’œil à l’une des anciennes spécialités de la maison.

La machine Philippe Andouard est arrivée 5e au classement général.

Site du constructeur : cycleandouard.com

Gilles Berthoud (Pont de Vaux, Ain)

Gilles Berthoud a commencé comme cadreur en 1977. À partir du milieu des années 80, il a élargi son activité à la fabrication de pièces et d’accessoires qui ont largement contribué à sa réputation : sacoches de vélo, garde-boue en inox poli, selles en cuir…
La fabrication de randonneuses complètes sur-mesure, qui était passée au second plan, est en train d’être relancée à l’occasion de la transmission de l’activité. Derrière cette reprise, il y a la volonté de développer aussi la gamme des pièces de vélo. La machine présentée au concours se voulait donc une illustration de cette nouvelle phase de développement puisque de nombreux composants, et non des moindres, ont été fabriqués par Berthoud : aux traditionnels garde-boue, sacoche et selles se sont ainsi ajoutés notamment potence, pédalier, rétroviseur, décaleur et porte-paquet.

berthoud liste

Fiche technique de la machine Berthoud : 25 composants ont été fabriqués en interne.

Berthoud s’est ainsi retrouvé à juste titre classé premier du concours pour le critère des spécifications (où la part des pièces de fabrication maison était un aspect important.)

berthoud full

Le soir de la remise des prix : à une place près, le Berthoud reste au pied du podium : 1er pour les spécifications, 4e au général.

Berthoud a fait un tel travail de conception et d’usinage pour ses composants maison qu’on oublierait presque que la machine présentée est d’abord une belle randonneuse classique assemblée sur un beau cadre en acier Dedacciai Zero Uno :

berthoud pointe hauban

Les haubans se rejoignant à l’avant du tube de selle.

berthoud derailleur

La patte du constructeur classique : le repose-chaîne, le dérailleur en alu poli, la cassette Spécialités TA, les ligatures de rayons.

berthoud ligatures

Les roues sont montées en pneus Grand Bois Cyprès (650B x 32 mm). La section était peut-être un peu étroite pour le parcours et la machine Berthoud a eu à subir une crevaison lors du gravel.

berthoud bdp

Le câble du dérailleur avant remonte à travers le raccord ajouré de la boîte de pédalier.

Le cadre bénéficie d’ailleurs lui-même de petits raffinements techniques. Ainsi le système de routage interne des câbles se fait sans gaine, ce qui permet de limiter les frictions :

berthoud butee

L’une des butées de gaine usinées maison, ici en bout de l’insert de câble poli et brasé au cadre.

Le câblage de la lumière est évidemment soigné :

berthoud jdd cable

Sortie du câble sous le garde-boue. On note aussi la coupelle inférieure du jeu de direction Berthoud (prototype).

Autre indice que nous sommes devant une authentique randonneuse, l’emplacement parfait de la pompe : légèrement décalée par rapport à l’axe pour laisser l’espace du garde-boue sans allongement des bases, elle n’occupe pas d’espace sur la partie centrale du cadre et reste protégée des projections (ce qui n’aurait pas été le cas le long des haubans) :

berthoud pompe

On pourra troquer la pompe à raccord contre une bonne HPX. Sur la droite : pontet poli et dynamo Velogical.

Parmi les composants fabriqués par Berthoud, on retiendra en particulier :

berthoud feu

Le support de feu arrière SON pour garde-boue, usiné en aluminium.

Évidemment, les garde-boue Berthoud en inox poli, présents aussi sur d’autres machines du concours :

berthoud gb

Garde-boue à double tringles (pour affronter le mauvais traitement du gravel) et prototype du support de feu arrière.

La chape de frein à tirage central usinée en aluminium :

berthoud chape

Bien sûr, la machine ne pouvait pas faire l’impasse sur les sacoches Berthoud, avec notamment des modèles spécialement réalisés pour le concours :

berthoud serviettes

Les « serviettes » surbaissées sont roulables, et réalisées sur-mesure pour transporter chacune 5 exemplaires de 200.

Le support de phare avant réalisé maison :

berthoud support phare

Les deux pattes sont soudées et la base se visse au garde-boue dont elle épouse la courbe.

Les embouts de cintre valent à eux seuls la photos. À droite, un bouchon standard :

berthoud bouchon cintre

L’un des produit de la gamme Berthoud utilisés sur la machine.

À gauche, le rétroviseur :

berthoud retro 2

berthoud retro 1 Le rétroviseur discret et orientable, une nouveauté 2016.

Signe de l’ouverture de la machine aux nouveaux standards, le pédalier Berthoud est à 4 branches :

berthoud pedalier

Le pédalier Berthoud en finition alu (prototype).

Dernière pièce d’importance développée par Berthoud, la potence :

berthoud cintre

La potence à deux branches fait irrésistiblement penser à une relecture moderne de la potence Herse.

berthoud serrage potence

La vis sert à la fois de fixation pour la sonnette et de serrage de la colonne de direction par tampon tangent.

berthoud potence renvoi cable

Intégration du renvoi de câble de frein avant à tirage central, via roulette.

Cette potence est une très belle pièce dont la commercialisation en plusieurs longueurs est apparemment envisagée. On peut trouver qu’elle mériterait toutefois un travail de finition post-usinage pour atténuer un peu son aspect anguleux.

Enfin, une photo qui illustre à elle seule la maîtrise de l’usinage à laquelle Berthoud est arrivé :

berthoud potence

Cintre Nitto excepté, il y a uniquement du Berthoud sur cette photo : potence, sonnette, jeu de direction, décaleur, guide-câble, sacoche, guidoline et arrêt de guidoline.

Nombre de ces pièces sont des prototypes et le Concours de Machines a peut-être motivé la réalisation de certaines d’entre elles. Reste que plusieurs sont suffisamment abouties pour pouvoir être commercialisées prochainement. On en saura peut-être un peu plus d’ici à la fin de l’année.

Pour conclure, un dernier détail, dont nous ne dirons pas davantage pour le moment :

berthoud detendeur

Les plus malins auront sans doute déjà compris. On en reparle dans le prochain épisode.

La machine Gilles Berthoud est arrivée à la 4e place au Concours de Machines.

La nouvelle version du site du constructeur devrait ouvrir prochainement.

Cycles Cattin (Poisat, Isère)

Si la création des cycles Cattin remonte à 1957, c’est en 1982 que Daniel Cattin, le fils du fondateur, commence à fabriquer des cadres. Il poursuivra son activité jusqu’en 2015, année où il transmet ses outils et son savoir-faire au nouveau cadreur de la maison : Fabien Bonnet.

La machine présentée au concours était une belle randonneuse classique mêlant les matériaux polis à un bel émaillage bleu. Elle faisait à ce titre partie d’une petite fratrie avec la Perrin et la Sébastien Klein.

cattin montee beal 2

La pilote et sa machine portaient la même livrée : blanc et turquoise.

Même si la machine de Cattin affiche discrètement sa modernité (cadre sloping, V brakes, transmission 2 x 11…), il suffit de s’approcher pour observer une attention toute classique aux détails.

Le poste de pilotage était particulièrement soigné :

Potence Thomson polie et ajourée sur le pivot de fourche, peint aux couleurs du cadre.

Les amateurs de réglages classiques regretteront simplement une potence un peu courte et inclinée vers le haut.

Un cadre un peu plus haut et plus court aurait autorisé une potence horizontale et plus allongée. Mais ces réglages trahissent aussi les prédilections de la marque : la randonneuse de voyage.

cattin hauban

À la belle ligne des haubans répond la courbe du porte bagage rejoignant le pontet.

Les composants sont choisis pour leur qualité et leur élégance, ici les jantes et le moyeu poli :

cattin moyeu avant

Jantes Velocity, moyeu White Industries et serrage rapide Tune.

cattin collier thomson

Collier de serrage Thomson.

On a aussi pu noter les intrigants garde-boue Bastia en alu poli :

cattin gb

Garde-boue en alu, légèrement enveloppant.

cattin moyeu arriere

C’est un mini détail mais la vis serre-tringle est l’une des plus belles que nous ayons vu sur le concours.

Le cadreur a accordé une attention toute particulière au porte-bagage chromé et constitué d’un bel assemblage de tubes courbés qui semblent épouser la ligne du garde-boue :

cattin pb

Ce porte-bagage est lui-même parfaitement associé à l’autre gros point fort de ce cadre : l’intégration de l’éclairage. Le porte-bagage sert en effet de monture naturelle au feu arrière :

cattin feu arriere

Feu Busch & Müller en bout de porte-bagage avec routage du câble par la barre centrale.

cattin cablage tds

Jonction du câble entre porte-bagage et tube de selle.

Toutes les entrées de câbles se font en effet via de petits tubes en excroissance et des raccords vissés qui présentent notamment l’avantage de pouvoir retirer facilement les phares sans avoir à toucher à l’ensemble du câblage. Le paradoxe est que cette solution d’intégration est particulièrement visible et on pourra y voir selon les goûts une belle démonstration de virtuosité ou un manque de sobriété.

L’éclairage avant est assuré par le meilleur de chez Busch & Müller :

cattin devant

Écusson Cattin vissé au tube de direction et phare IQ-X déporté.

La fourche n’étant pas équipée pour recevoir de porte-paquet, le déport du phare sur le côté et en bout de bras apparaît un peu comme une coquetterie qui a l’inconvénient d’exposer le phare. C’est peut-être sans rapport mais celui-ci s’est justement descellé au cours des épreuves :

cattin depart beal

Le jury n’aura sans doute pas pénalisé l’oubli du « s » à Cycles Cattin, mais il y a peu de chances qu’il ait laissé passer la perte du phare avant (ici lors de la 2e épreuve).

Bref, il y a incontestablement du maniérisme dans l’intégration de l’éclairage sur cette randonneuse, mais nous sommes après tout sur une machine de concours. Et ce sont d’ailleurs des détails plus discrets que les autres qui finissent par nous laisser convaincre :

cattin tete de fourche

La mini queue de cochon, vissée à la tête de fourche, maintient le fil tout en permettant son retrait rapide.

Le principe de la Cattin : un éclairage haut de gamme et autonome sans concession pour les virées nocturnes mais dont la randonneuse peut être facilement dépouillée en même temps que de son porte-bagage pour la transformer en vélo de route.

cattin velogical

L’éclairage est alimenté par dynamo sur jante Velogical fixée ici au pivot de frein avant.

S’il y avait eu une catégorie éclairage, Cattin aurait mérité la première place, tant le cadreur a travaillé son intégration. Au point que de regarder sa randonneuse nous donne envie de suivre le fil, comme s’il s’agissait d’une histoire avec son commencement, son milieu et sa fin.

Le site du constructeur : cyclescattin.fr

On trouvera aussi sur la page Facebook de la marque d’autres photos de la randonneuse du concours.

Cyfac (Hommes, Indre-et-Loire)

Cyfac produit des cadres depuis 1982 et est devenu depuis l’une des références françaises pour la fabrication de vélos sur-mesure performants. Ce constructeur n’a évidemment plus rien à prouver. Son grand stand montrait la qualité de ses réalisations et la large palette de ses compétences puisque Cyfac travaille aussi bien l’acier, l’aluminium, le titane que le carbone. C’était donc le signe d’un bel état d’esprit que de soumettre l’une de ses productions au jugement d’un concours technique et au milieu de petits artisans.

Pour sa machine, Cyfac a choisi de faire référence à la tradition de la randonneuse en utilisant l’acier (et sa déclinaison haut de gamme avec des tubes d’inox) mais n’a pas renoncé à illustrer sa maîtrise des matériaux modernes en introduisant aussi le carbone. La machine Cyfac était incontestablement l’une de celles qui mettaient en œuvre la plus grande variété de compétences techniques et elle est celle qui aura en particulier poussé le plus loin le mariage entre le carbone et l’inox.

cyfac sommet beal

La Cyfac au sommet du Béal. Un cadre littéralement bi-matériau : tube supérieur, tube horizontal et bases sont en inox tandis que fourche, tube de selle et haubans sont en carbone.

On a vu trois autres cadres acier à tige de selle en carbone à Ambert : Julie Racing Design, Belleville Machine et Victoire (sur un vélo hors concours). Mais Cyfac pousse un cran plus loin en intégrant les haubans :

cyfac arriere

Tube de selle, hauban, pontet, garde-boue et tringles (!) ne forment qu’une seule pièce.

L’une des principales caractéristiques de la machine, ce sont en effet ses garde-boue mono-bloc en carbone intégrés à la fourche et aux haubans :

cyfac hauban

On apprécie en particulier que Cyfac ait choisi des freins cantilever à tirage central caractéristiques de la randonneuse traditionnelle. À l’arrière, la butée de gaine est intégrée au tube supérieur et les deux branches du câble passent de part et d’autre du tube de selle.

cyfac tirage central arrière

Au sommet du tube de selle, le support de selle sur-mesure est joliment fini, notamment au niveau des serrages :

cyfac cappy

Selle Brooks Cambium montée sur cappy maison.

On apprécie en particulier la belle jonction entre le tube de selle et le garde-boue :

cyfac bdp

Le lieu de fabrication est inscrit sur le tube diagonal et les haubans sont signés : 10 personnes sont intervenues pour la réalisation de la machine Cyfac.

Entre les deux, le tube de carbone rejoint le tube supérieur via un raccord à pointes:

cyfac tds canti

À l’avant, on retrouve la même attention aux détails. La bague de butée de gaîne fait ainsi office de support de sonnette tandis que la courte sortie de gaine est accompagnée par un petit tube coudé.

cyfac jdd

Jeu de direction intégré Chris King, potence et cintre Thomson.

On apprécie que Cyfac ait choisit une sonnette blb à 5 euros, presque aussi élégante qu’une Spurcycle à 80 :

cyfac sonnette
Pour la pompe réglementaire, Cyfac a choisi le meilleur modèle de chez Zefal…

cyfac hpx mini

HPX raccourcie pour laisser libre, à l’arrière du tube supérieur, la sortie du câble de frein.

… s’ajustant à l’arrière du tube de direction :

cyfac support HPX
Le portage se fait à l’avant, par sacoches surbaissées équipées d’un système d’accrochage Ortlieb 3 points à déclipsage instantané, mais les attaches en résine Ortlieb ont été remplacées par des attaches inox :

cyfac rack fourch

Grâce au système Ortlieb, le porte-bagage avant se limite à deux V minimalistes de part et d’autre de la fourche.

À l’image des bases, signées, l’intérieur du fourreau porte l’initial du fabricant :

cyfac suppot sac inter fourreaux

Comme l’ensemble de la machine, la fourche mêle fibre de carbone et tons argent.

Enfin, dernier tour de force, plus discret celui-là, l’intégration de l’éclairage. Quasiment aucun fil n’est visible :

cycfac attache avant

Moyeu dynamo SON.

Le support de phare est lui-même intégré dans la fourche / garde-boue monobloc :

cyfac support phare gb

Autant la machine Cattin nous montrait que le câblage était intégré, autant le Cyfac nous le fait complètement oublier. Sur l’ensemble du vélo, on ne doit pas voir en tout et pour tout plus de 3 ou 4 cm de câble, et toujours aux endroits les plus discrets. Quant au feu arrière, tant qu’il n’est pas allumé, on ne décèle tout simplement pas sa présence :

cyfac feu arriere integre

Feu arrière intégré au tube de selle : on ne saurait faire mieux. On note au passage les deux élégants serrage du support de selle.

Alors que la machine Cyfac constituait l’une des plus belles démonstrations de savoir-faire du concours, elle ne figure malheureusement pas en bonne place du classement général. La machine aura en effet dû abandonner au cours de la difficile épreuve du gravel à cause d’un problème de casse.

En entendant la nouvelle, j’avoue avoir tout de suite pensé à un problème avec les audacieux garde-boue en carbone intégrés. Mais non, ils auront pour leur part parfaitement résisté au traitement impitoyable de la 3e épreuve. En fait, comme l’a fait observer Aymeric Le Brun, le patron de Cyfac, l’ironie a voulu que, sur cette machine qui comportait tant de pièces maison, ce soit justement un composant du commerce, la patte de dérailleur, qui aura lâché :

cyfac casse patte der

Confronté à la casse de la patte de dérailleur, le pilote improvise un montage mono-vitesse pour finir l’épreuve. Il devra malheureusement se rendre à l’évidence : le parcours du gravel était incompatible avec du single speed.

La machine Cyfac est arrivée à la 3e place du vote du jury. Une revue de détail lui sera consacrée dans Bicycle Quarterly n°57 (automne 2016).

Site du constructeur : cyfac.fr
Images et compte-rendu sur Facebook

Mannheim (Vieux-Thann, Haut-Rhin)

Depuis un quart de siècle, en Alsace, Serge Mannheim fabrique des cadres de vélo parallèlement à son activité de revendeur. Il fait partie de ces constructeurs historiques qui sont en train de passer la main et de transmettre leur savoir-faire.
On peut dire que la machine de Mannheim aura traversé le concours dans une relative discrétion : il est vrai qu’il y avait beaucoup à faire pour rivaliser avec les 18 autres machines parfois exceptionnelles, souvent originales. Les cycles Mannheim auront quant à eux fait ce qu’ils savent faire : une très bonne randonneuse rapide.

Manhein gravel

Serge Mannheim sur sa machine Mannheim au début de la 3e épreuve.

Sans fioritures, le cadre, rouge agrémenté de marquages argent, joue surtout sur la beauté discrète des courbes et des raccords de tube.

mannheim

Tête de fourche incurvée à dessus argenté.

La jonction des tubes au niveau du serrage du tube de selle est particulièrement agréable :

mannheim haubans

Les haubans finissent leur course en parallèle, de part et d’autre de la fente du tube, et sont reliés par la vis de serrage.

mannheim raccord tds 2

La douceur des jointures et la belle découpe du tube de selle.

Les pattes arrières restent quant à elles classiques mais les petits détails de la randonneuse sont bien là :

mannheim transmission

Le porte-rayons, avec ses deux rayons plats noirs, fait un parfait protège base.

Pas de folie du côté des composants qui sont visiblement choisis raisonnablement, pour leur rapport performance/poids/prix. Les garde-boue sont des bluemels en plastique montés sur tringles Berthoud, le freinage est assuré par des V brakes rationnels à défaut d’être enthousiasmants :

mannheim renfort gb avt

Le support/renfort de garde-boue dénote un peu dans un concours de machines. On apprécie en revanche les œillets à mi-fourreaux autorisant le chargement à l’avant.

Même chose pour l’éclairage avec lequel il vaudra mieux éviter de rouler toute une nuit mais qui reste sérieux et dont l’intégration n’a pas été négligée. Le phare avant est fixé au moyeu :

mannheim moeyu avant volt

Le phare Cateye haut de gamme ne fonctionnera pendant les 8 heures réglementaires qu’en utilisant le quart de sa puissance. On note au passage que, comme Andouard, Mannheim a équipé ses roues de pions Soft Wheel.

Le feu arrière est situé à l’emplacement traditionnel, sur le garde-boue :

mannheim feu arr

Le Spanninga Pixeo à piles offre une bonne autonomie. Juste sous la sacoche, on devine la pompe Seven cycles fixée sur le côté du porte bagage.

Globalement d’ailleurs les beaux composants ne sont pas rares sur cette machine. Le portage se fait à l’arrière sur un porte-bagage discret et léger équipé d’une sacoche Berthoud.

Les roues 650B sont équipées de jantes Velo Orange et montées avec des pneus Grand Bois Cyprès de 32 mm.

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Jantes Velo Orange en alu poli et rayons plats noirs : mélange des genres typique de cette randonneuse qui semble hésiter entre deux mondes.

On retiendra donc surtout de cette machine sont beau cadre mis en valeur par un émaillage rouge profond.

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Un beau cadre et un équipement rationnel mais qui mêle de façon un peu hétérogène les équipements noirs et argent.

Site du constructeur : cyclesmannheim.com

Cycles Pierre Perrin (Egly, Essonne)

La création des cycles Pierre Perrin remonte à l’immédiat après guerre. L’activité a été interrompue une dizaine d’années puis a repris au milieu des années 80 sous l’impulsion de Sylvain Ozilou, le cadreur actuel.
À première vue, la machine présentée au concours est l’archétype de la randonneuse classique avec son tube supérieur bien horizontal, ses raccords chromés, son porte-bagage avant surbaissé… Mais son intense émaillage bleu clair semble aussitôt nous avertir que la Pierre Perrin n’est pas aussi sage qu’il y paraît.

perrin beal

La machine des cycles Pierre Perrin et sa pilote.

Commençons par le côté classique puisque la Pierre Perrin appartient indéniablement à la famille de la randonneuse de tradition française. Car si la machine ne comporte aucun chrome, l’illusion est presque parfaite :

Raccord de tube de selle en inox poli « façon chrome ».

On se croirait revenus à la grande époque des raccords chromés, et c’est loin d’être déplaisant. Le poste de pilotage enfonce le clou en mêlant les inox et les alus, impeccablement polis.

perrin potence

Le bleu lumineux de l’émaillage s’accorde parfaitement avec les raccords ajourés.

La sonnette est fixée sous la potence…

perrin sonnette

… où même les entretoises en alu sont polies :

perrin sonnette entretoise
Outre les raccords, tous les éléments brasés au cadre sont en inox, là encore méticuleusement polis.

perrin butee cadre

L’un des arrêts de gaine.

perrin tds et brooks

Raccords et sorties de gaine polis, tout comme la jante, les garde-boue Berthoud, la tige de selle : la machine Perrin joue l’unité de ton, et fait mouche.

Le pontet supérieur offre de jolis perçage…

perrin pontet

Et la rondelle de serrage du garde-boue est elle même polie :

perrin pontet 2

De même que le pédalier Shimano 105 :

perrin pedalier 105
Les jantes :

perrin jante

Schwalbe One 700×28, en tubeless, montés sur jantes Mavic CXP Pro passées par l’atelier Perrin. On aimerait qu’un jour Mavic repropose ces belles finitions.

Et le porte-bagage :

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Porte-bagage surbaissé en inox poli, moyeu à disque dynamo SON modèle SL (liaison électrique par simple contact) et calligraphie spencerienne sur le tube diagonal.

En haut, ce porte bagage sert de support de phare. Pour faire bonne mesure avec la connectique sans fil du moyeu, le câblage du phare passe à l’intérieur des tubes du porte-bagage, sortant et rentrant à chaque jonction jusqu’à la tête de fourche :

perrin kf

L’un des routages de câble les plus soignés du concours. Du coup, on regrette un peu le garde-boue avant trop court.

Le câblage du phare arrière est quant à lui invisible, et pour cause : le Pixeo de Spanninga (dont ici les flancs en plastique ont reçu de la peinture chrome, pour faire bonne figure) fonctionne à piles.

perrin feu arriere

Petit regret : le feu arrière à piles sur une machine équipée d’un moyeu SON.

Car si les cycles Perrin jouent avec les codes de la randonneuse classique, la machine présentée illustre un vrai goût pour les innovations techniques, en général plutôt bien intégrées.

Le choix du freinage à disque est assumé jusque dans le renfort de cadre :

perrin moyeu arr 2

Le renfort de cadre taillé dans un bout de disque, s’il avait été poli comme les pattes arrières, l’illusion aurait pu être presque parfaite.

Comme d’autres machines du concours, la Perrin est équipée d’une Brooks cambium…

perrin brooks

La Cambium, relecture moderne d’un grand classique, colle bien avec l’esprit de cette randonneuse.

… à laquelle le ruban de cintre est assorti :

perrin guidoline

Le ruban n’est pas enroulé dans le sens canonique mais la finition en haut de cintre n’en est que plus nette.

De même, le moderne support de compteur, tout alu, est raccord avec le reste du poste de pilotage :

perrin poste pilotage
Il y a deux autres domaines où l’adaptation à la modernité est plus marquée encore : le freinage d’abord. La machine est équipée de freins à disque hydrauliques :

perrin moyeu avant disque
Mais chez Perrin, on a tenu à conserver pour leur qualité des leviers de frein mécaniques traditionnels Campagnolo. Un convertisseur mécanique / hydraulique Hope V-Twin Brake a donc été intégré à l’arrière du porte-bagage avant :

perrin levier frein

Le convertisseur Hope permet d’utiliser des leviers de frein route à câble avec des freins à disque hydrauliques.

Le boîtier et l’attache Klick-Fix (à l’arrière-plan sur la photo ci-dessus) encombrent un peu visuellement l’avant du vélo. C’est en particulier un peu plus gênant pour l’attache Klick-Fix qui détonne avec le reste du vélo. Les produits allemands ne sont en effet pas toujours gracieux et on a vu plus haut que l’équipe Cyfac avait pris le parti de refaire elle-même les supports Ortlieb. Dans le cas de Perrin, l’attache était d’autant plus dispensable que, lors du concours, le portage se fera uniquement avec des sacoches surbaissées. Reste que le convertisseur hydraulique montre bien le double encrage de la machine, double encrage globalement réussi et sans incohérence.

Un autre type de conversion présent sur cette machine intéressera un certain nombre de randonneurs.

Le moyeu à 14 vitesses intégrées Rohloff est une spécialité de la maison Perrin qui a acquis une grande expérience dans sa mise en œuvre sur des cadres sur-mesure. Même si la solution n’était peut-être pas la mieux adaptée au programme de la randonneuse légère, il a sans doute paru impossible au cadreur de ne pas la présenter sur sa machine. Les 14 vitesses du Rohloff offraient d’ailleurs une plage de développements bien adaptée à la variété des terrains parcourus pendant les trois jours d’épreuves.

perrin rohloff

Le Rohloff, où l’alternative sans concession au dérailleur.

Les leviers de vitesses disponibles pour le moeyu Rohloff ne sont malheureusement pas vraiment satisfaisants avec un cintre route : il existe tout au plus des poignées tournantes (dont un modèle développé par Gilles Berthoud) mais qui ne permettent pas un changement au levier. Cela peut être pénalisant pour les changements de vitesses dans les passages techniques comme l’étaient certaines portions du gravel.

Là encore, les cycles Perrin ont donc eu recours à une boîte de conversion – la Rohbox – permettant de changer les vitesses du moyeu à partir des leviers Campagnolo :

perrin patte arr

La Rohbox (sous l’axe) permet d’utiliser le moyeu Rohloff à 14 vitesses avec des brifters traditionnels. On note au passage les pattes verticales spécialement usinées pour le moyeu à vitesses intégrées.

Les pattes étant verticales et le cadreur n’ayant pas voulu surcharger l’arrière d’un tendeur de chaîne, le boîtier de pédalier a été équipé d’un excentrique permettant d’obtenir une bonne tension de la chaîne sur cette transmission mono-pignon :

perrin bdp

Excentrique Trickstuff adaptable sur boîte de pédalier standard… et évidemment poli avec le même soin que le reste des composants de ce vélo.

En somme, tout en faisant référence à l’histoire de la randonneuse, la machine des cycles Perrin a recours à des innovations récentes. Malgré cela, ce qui fait sa réussite , c’est sa vraie cohérence, obtenue notamment par un patient travail de polissage qui lui permet de faire cohabiter freins à disques et raccords polis le plus naturellement du monde.

La machine Pierre Perrin est arrivée à la 3e place du vote du public et à la 4e du vote du jury.

Voir la présentation de la machine sur le site du constructeur qui montre en particulier le travail de polissage et de modification réalisé pour parvenir à une randonneuse intemporelle à partir de composants actuels, le plus souvent en aluminium anodisé noir.

Voilà. C’est fini pour la présentation générale des constructeurs. Pour voir la suite, il faudra attendre deux ans (et des cadreurs ont visiblement déjà pris date). En attendant, la plupart des constructeurs présentent ces machines sur leurs sites et réseaux sociaux et les amèneront probablement dans les prochains salons. On peut aussi leur rendre visite. Après tout, ils n’existent que parce qu’il y a encore en France des happy few aimant les belles virées sur de beaux vélos faits pour durer – et qui leur passent commande.

Le prochain numéro du magazine 200, co-organisateur de l’événement, à paraître début octobre, consacrera probablement une large place aux machines de ce concours avec notamment les belles photos studios qu’elles méritent. Je profite donc de l’occasion pour rappeler que, pour 20 €, on peut lire pendant un an ce trimestriel à la fois bien écrit et d’une belle singularité au milieu de la presse cycliste classique.

D’ici-là, on devrait obtenir quelques informations supplémentaires, notamment le détail des résultats, sur le site du Concours de Machines.

Voir aussi les autres articles de la série consacrée au Concours de Machines 2016 :

– Ambert 2016 [1/5] : la renaissance du Concours de Machines
– Ambert 2016 [2/5] : la section amateurs et premières armes
– Ambert 2016 [3/5] : la nouvelle vague des cadreurs français
– Ambert 2016 [5/5] : composants et choix techniques

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