Certains d’entre eux sont des cadreurs isolés, d’autres ont parfois réuni une véritable petite équipe, certains se consacrent exclusivement à la fabrication de vélos sur-mesure, d’autres en font un complément de leur activité dans le domaine du cycle. Tous ont cependant en commun de perpétuer la fabrication de cadres depuis plusieurs décennies et d’avoir acquis un savoir-faire dont on a pu voir de beaux exemples lors de ce Concours de Machines. Preuve que l’un n’empêche pas l’autre, c’est même à eux que l’on doit quelques unes des plus belles innovations présentées à Ambert cette année.
Autre élément encourageant dans un secteur fragile où, depuis les années 80, beaucoup de grands noms ont disparu, quatre des six cadreurs « historiques » dont on va parler ici ont soit déjà été repris par un successeur, soit sont en phase de transmission. La bonne nouvelle c’est que les machines exposées montraient que la transmission ne concernait pas seulement le nom mais aussi et surtout le savoir-faire qui lui est associé.
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Philippe Andouard (Saint Juéry, Tarn)
Philippe Andouard fabrique des cadres acier depuis plus de 20 ans, près d’Albi, parallèlement à son activité de revendeur. C’est aussi un ancien compétiteur. Il n’est donc pas étonnant que sa machine révèle un souci d’efficacité et de performance. L’émaillage noir mat / rouge brillant rompt avec le classicisme ou la sobriété de la plupart des autres machines. Bien que travaillant en acier (ici du Columbus Spirit), Philippe Andouard semble en effet inspiré par les codes visuels du vélo de route. Sa machine est bien une randonneuse mais presque sans en avoir l’air.
Dans le détail, le cadreur montre un goût pour les petites astuces et les innovations. Puisque le règlement stipule que le pilote ne doit rien emporter dans les poches, Philippe Andouard a fait appel à quelques accessoires Specialized pour le transport de la maintenance. Les porte-bidon à kit intégré :
Le capot de potence à dérive-chaîne et maillon rapide intégrés vient lui aussi de chez Specialized :
Moins anecdotique, on remarque – ou plutôt on ne remarque pas – le serrage de potence invisible, tout comme le serrage de selle :
Et l’on comprend que Philippe Andouard a un vrai souci de l’épure et des belles lignes. La courbe des haubans est là pour améliorer la dynamique du cadre, ça ne l’empêche pas d’être belle. Quant au tube de selle, il arbore joliment le logo du concours.
Ce mélange de souci de la forme et de recherche de l’innovation, on le retrouve aussi au niveau du train roulant. Le freinage à disque est soigneusement intégré avec un beau support d’étrier de freinage et un disque peint aux couleurs du vélo :
On note au passage que les roues sont montées avec un nouveau système de tampons soft wheel destinés à limiter les vibrations, ce qui a pour but d’améliorer l’adhérence et de limiter l’engourdissement des mains sur les longs trajets (une double page est consacrée au système dans la livraison estivale du magazine 200). Andouard aime décidément les innovations.
Les pneumatiques sont des Schwalbe One, qui taillent à un peu plus d’une trentaine de millimètres dans leur version tubeless et avec lesquels le pilote, Jérémy Loubeau, a fini dans les premières places aussi bien sur route lors de la deuxième épreuve qu’au terme du gravel.
Les garde-boue reprennent la finition bi-colore de la machine. On peut leur reprocher de ne pas être très enveloppants et d’être un peu courts à l’avant. Le fait est qu’ils cherchent surtout à se faire oublier.
Parmi les autres détails du cadre, notons la plaque de pontet personnalisée :
Une potence sur-mesure :
Enfin, la perforation des plateaux est une vieille habitude de Philippe Andouard. On a parlé récemment sur Cyclodonia de cette pratique populaire dans les années 70 et 80. Le cadreur a souhaité ajouter à son montage cette petite signature dont on peut toutefois trouver qu’elle aurait eu davantage sa place sur des plateaux polis que sur une anodisation noire.
La machine Philippe Andouard est arrivée 5e au classement général.
Site du constructeur : cycleandouard.com
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Gilles Berthoud (Pont de Vaux, Ain)
Gilles Berthoud a commencé comme cadreur en 1977. À partir du milieu des années 80, il a élargi son activité à la fabrication de pièces et d’accessoires qui ont largement contribué à sa réputation : sacoches de vélo, garde-boue en inox poli, selles en cuir…
La fabrication de randonneuses complètes sur-mesure, qui était passée au second plan, est en train d’être relancée à l’occasion de la transmission de l’activité. Derrière cette reprise, il y a la volonté de développer aussi la gamme des pièces de vélo. La machine présentée au concours se voulait donc une illustration de cette nouvelle phase de développement puisque de nombreux composants, et non des moindres, ont été fabriqués par Berthoud : aux traditionnels garde-boue, sacoche et selles se sont ainsi ajoutés notamment potence, pédalier, rétroviseur, décaleur et porte-paquet.
Berthoud s’est ainsi retrouvé à juste titre classé premier du concours pour le critère des spécifications (où la part des pièces de fabrication maison était un aspect important.)
Berthoud a fait un tel travail de conception et d’usinage pour ses composants maison qu’on oublierait presque que la machine présentée est d’abord une belle randonneuse classique assemblée sur un beau cadre en acier Dedacciai Zero Uno :
Les roues sont montées en pneus Grand Bois Cyprès (650B x 32 mm). La section était peut-être un peu étroite pour le parcours et la machine Berthoud a eu à subir une crevaison lors du gravel.
Le cadre bénéficie d’ailleurs lui-même de petits raffinements techniques. Ainsi le système de routage interne des câbles se fait sans gaine, ce qui permet de limiter les frictions :
Le câblage de la lumière est évidemment soigné :
Autre indice que nous sommes devant une authentique randonneuse, l’emplacement parfait de la pompe : légèrement décalée par rapport à l’axe pour laisser l’espace du garde-boue sans allongement des bases, elle n’occupe pas d’espace sur la partie centrale du cadre et reste protégée des projections (ce qui n’aurait pas été le cas le long des haubans) :
Parmi les composants fabriqués par Berthoud, on retiendra en particulier :
Évidemment, les garde-boue Berthoud en inox poli, présents aussi sur d’autres machines du concours :
La chape de frein à tirage central usinée en aluminium :
Bien sûr, la machine ne pouvait pas faire l’impasse sur les sacoches Berthoud, avec notamment des modèles spécialement réalisés pour le concours :
Le support de phare avant réalisé maison :
Les embouts de cintre valent à eux seuls la photos. À droite, un bouchon standard :
À gauche, le rétroviseur :
Signe de l’ouverture de la machine aux nouveaux standards, le pédalier Berthoud est à 4 branches :
Dernière pièce d’importance développée par Berthoud, la potence :
Cette potence est une très belle pièce dont la commercialisation en plusieurs longueurs est apparemment envisagée. On peut trouver qu’elle mériterait toutefois un travail de finition post-usinage pour atténuer un peu son aspect anguleux.
Enfin, une photo qui illustre à elle seule la maîtrise de l’usinage à laquelle Berthoud est arrivé :
Nombre de ces pièces sont des prototypes et le Concours de Machines a peut-être motivé la réalisation de certaines d’entre elles. Reste que plusieurs sont suffisamment abouties pour pouvoir être commercialisées prochainement. On en saura peut-être un peu plus d’ici à la fin de l’année.
Pour conclure, un dernier détail, dont nous ne dirons pas davantage pour le moment :
La machine Gilles Berthoud est arrivée à la 4e place au Concours de Machines.
La nouvelle version du site du constructeur devrait ouvrir prochainement.
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Cycles Cattin (Poisat, Isère)
Si la création des cycles Cattin remonte à 1957, c’est en 1982 que Daniel Cattin, le fils du fondateur, commence à fabriquer des cadres. Il poursuivra son activité jusqu’en 2015, année où il transmet ses outils et son savoir-faire au nouveau cadreur de la maison : Fabien Bonnet.
La machine présentée au concours était une belle randonneuse classique mêlant les matériaux polis à un bel émaillage bleu. Elle faisait à ce titre partie d’une petite fratrie avec la Perrin et la Sébastien Klein.
Même si la machine de Cattin affiche discrètement sa modernité (cadre sloping, V brakes, transmission 2 x 11…), il suffit de s’approcher pour observer une attention toute classique aux détails.
Le poste de pilotage était particulièrement soigné :
Les amateurs de réglages classiques regretteront simplement une potence un peu courte et inclinée vers le haut.
Un cadre un peu plus haut et plus court aurait autorisé une potence horizontale et plus allongée. Mais ces réglages trahissent aussi les prédilections de la marque : la randonneuse de voyage.
Les composants sont choisis pour leur qualité et leur élégance, ici les jantes et le moyeu poli :
On a aussi pu noter les intrigants garde-boue Bastia en alu poli :
Le cadreur a accordé une attention toute particulière au porte-bagage chromé et constitué d’un bel assemblage de tubes courbés qui semblent épouser la ligne du garde-boue :
Ce porte-bagage est lui-même parfaitement associé à l’autre gros point fort de ce cadre : l’intégration de l’éclairage. Le porte-bagage sert en effet de monture naturelle au feu arrière :
Toutes les entrées de câbles se font en effet via de petits tubes en excroissance et des raccords vissés qui présentent notamment l’avantage de pouvoir retirer facilement les phares sans avoir à toucher à l’ensemble du câblage. Le paradoxe est que cette solution d’intégration est particulièrement visible et on pourra y voir selon les goûts une belle démonstration de virtuosité ou un manque de sobriété.
L’éclairage avant est assuré par le meilleur de chez Busch & Müller :
La fourche n’étant pas équipée pour recevoir de porte-paquet, le déport du phare sur le côté et en bout de bras apparaît un peu comme une coquetterie qui a l’inconvénient d’exposer le phare. C’est peut-être sans rapport mais celui-ci s’est justement descellé au cours des épreuves :
Bref, il y a incontestablement du maniérisme dans l’intégration de l’éclairage sur cette randonneuse, mais nous sommes après tout sur une machine de concours. Et ce sont d’ailleurs des détails plus discrets que les autres qui finissent par nous laisser convaincre :
Le principe de la Cattin : un éclairage haut de gamme et autonome sans concession pour les virées nocturnes mais dont la randonneuse peut être facilement dépouillée en même temps que de son porte-bagage pour la transformer en vélo de route.
S’il y avait eu une catégorie éclairage, Cattin aurait mérité la première place, tant le cadreur a travaillé son intégration. Au point que de regarder sa randonneuse nous donne envie de suivre le fil, comme s’il s’agissait d’une histoire avec son commencement, son milieu et sa fin.
Le site du constructeur : cyclescattin.fr
On trouvera aussi sur la page Facebook de la marque d’autres photos de la randonneuse du concours.
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Cyfac (Hommes, Indre-et-Loire)
Cyfac produit des cadres depuis 1982 et est devenu depuis l’une des références françaises pour la fabrication de vélos sur-mesure performants. Ce constructeur n’a évidemment plus rien à prouver. Son grand stand montrait la qualité de ses réalisations et la large palette de ses compétences puisque Cyfac travaille aussi bien l’acier, l’aluminium, le titane que le carbone. C’était donc le signe d’un bel état d’esprit que de soumettre l’une de ses productions au jugement d’un concours technique et au milieu de petits artisans.
Pour sa machine, Cyfac a choisi de faire référence à la tradition de la randonneuse en utilisant l’acier (et sa déclinaison haut de gamme avec des tubes d’inox) mais n’a pas renoncé à illustrer sa maîtrise des matériaux modernes en introduisant aussi le carbone. La machine Cyfac était incontestablement l’une de celles qui mettaient en œuvre la plus grande variété de compétences techniques et elle est celle qui aura en particulier poussé le plus loin le mariage entre le carbone et l’inox.
On a vu trois autres cadres acier à tige de selle en carbone à Ambert : Julie Racing Design, Belleville Machine et Victoire (sur un vélo hors concours). Mais Cyfac pousse un cran plus loin en intégrant les haubans :
L’une des principales caractéristiques de la machine, ce sont en effet ses garde-boue mono-bloc en carbone intégrés à la fourche et aux haubans :
On apprécie en particulier que Cyfac ait choisi des freins cantilever à tirage central caractéristiques de la randonneuse traditionnelle. À l’arrière, la butée de gaine est intégrée au tube supérieur et les deux branches du câble passent de part et d’autre du tube de selle.
Au sommet du tube de selle, le support de selle sur-mesure est joliment fini, notamment au niveau des serrages :
On apprécie en particulier la belle jonction entre le tube de selle et le garde-boue :
Entre les deux, le tube de carbone rejoint le tube supérieur via un raccord à pointes:
À l’avant, on retrouve la même attention aux détails. La bague de butée de gaîne fait ainsi office de support de sonnette tandis que la courte sortie de gaine est accompagnée par un petit tube coudé.
On apprécie que Cyfac ait choisit une sonnette blb à 5 euros, presque aussi élégante qu’une Spurcycle à 80 :
Pour la pompe réglementaire, Cyfac a choisi le meilleur modèle de chez Zefal…
… s’ajustant à l’arrière du tube de direction :
Le portage se fait à l’avant, par sacoches surbaissées équipées d’un système d’accrochage Ortlieb 3 points à déclipsage instantané, mais les attaches en résine Ortlieb ont été remplacées par des attaches inox :
À l’image des bases, signées, l’intérieur du fourreau porte l’initial du fabricant :
Enfin, dernier tour de force, plus discret celui-là, l’intégration de l’éclairage. Quasiment aucun fil n’est visible :
Le support de phare est lui-même intégré dans la fourche / garde-boue monobloc :
Autant la machine Cattin nous montrait que le câblage était intégré, autant le Cyfac nous le fait complètement oublier. Sur l’ensemble du vélo, on ne doit pas voir en tout et pour tout plus de 3 ou 4 cm de câble, et toujours aux endroits les plus discrets. Quant au feu arrière, tant qu’il n’est pas allumé, on ne décèle tout simplement pas sa présence :
Alors que la machine Cyfac constituait l’une des plus belles démonstrations de savoir-faire du concours, elle ne figure malheureusement pas en bonne place du classement général. La machine aura en effet dû abandonner au cours de la difficile épreuve du gravel à cause d’un problème de casse.
En entendant la nouvelle, j’avoue avoir tout de suite pensé à un problème avec les audacieux garde-boue en carbone intégrés. Mais non, ils auront pour leur part parfaitement résisté au traitement impitoyable de la 3e épreuve. En fait, comme l’a fait observer Aymeric Le Brun, le patron de Cyfac, l’ironie a voulu que, sur cette machine qui comportait tant de pièces maison, ce soit justement un composant du commerce, la patte de dérailleur, qui aura lâché :
La machine Cyfac est arrivée à la 3e place du vote du jury. Une revue de détail lui sera consacrée dans Bicycle Quarterly n°57 (automne 2016).
Site du constructeur : cyfac.fr
Images et compte-rendu sur Facebook
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Mannheim (Vieux-Thann, Haut-Rhin)
Depuis un quart de siècle, en Alsace, Serge Mannheim fabrique des cadres de vélo parallèlement à son activité de revendeur. Il fait partie de ces constructeurs historiques qui sont en train de passer la main et de transmettre leur savoir-faire.
On peut dire que la machine de Mannheim aura traversé le concours dans une relative discrétion : il est vrai qu’il y avait beaucoup à faire pour rivaliser avec les 18 autres machines parfois exceptionnelles, souvent originales. Les cycles Mannheim auront quant à eux fait ce qu’ils savent faire : une très bonne randonneuse rapide.
Sans fioritures, le cadre, rouge agrémenté de marquages argent, joue surtout sur la beauté discrète des courbes et des raccords de tube.
La jonction des tubes au niveau du serrage du tube de selle est particulièrement agréable :
Les pattes arrières restent quant à elles classiques mais les petits détails de la randonneuse sont bien là :
Pas de folie du côté des composants qui sont visiblement choisis raisonnablement, pour leur rapport performance/poids/prix. Les garde-boue sont des bluemels en plastique montés sur tringles Berthoud, le freinage est assuré par des V brakes rationnels à défaut d’être enthousiasmants :
Même chose pour l’éclairage avec lequel il vaudra mieux éviter de rouler toute une nuit mais qui reste sérieux et dont l’intégration n’a pas été négligée. Le phare avant est fixé au moyeu :
Le feu arrière est situé à l’emplacement traditionnel, sur le garde-boue :
Globalement d’ailleurs les beaux composants ne sont pas rares sur cette machine. Le portage se fait à l’arrière sur un porte-bagage discret et léger équipé d’une sacoche Berthoud.
Les roues 650B sont équipées de jantes Velo Orange et montées avec des pneus Grand Bois Cyprès de 32 mm.
On retiendra donc surtout de cette machine sont beau cadre mis en valeur par un émaillage rouge profond.
Site du constructeur : cyclesmannheim.com
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Cycles Pierre Perrin (Egly, Essonne)
La création des cycles Pierre Perrin remonte à l’immédiat après guerre. L’activité a été interrompue une dizaine d’années puis a repris au milieu des années 80 sous l’impulsion de Sylvain Ozilou, le cadreur actuel.
À première vue, la machine présentée au concours est l’archétype de la randonneuse classique avec son tube supérieur bien horizontal, ses raccords chromés, son porte-bagage avant surbaissé… Mais son intense émaillage bleu clair semble aussitôt nous avertir que la Pierre Perrin n’est pas aussi sage qu’il y paraît.
Commençons par le côté classique puisque la Pierre Perrin appartient indéniablement à la famille de la randonneuse de tradition française. Car si la machine ne comporte aucun chrome, l’illusion est presque parfaite :
On se croirait revenus à la grande époque des raccords chromés, et c’est loin d’être déplaisant. Le poste de pilotage enfonce le clou en mêlant les inox et les alus, impeccablement polis.
La sonnette est fixée sous la potence…
… où même les entretoises en alu sont polies :
Outre les raccords, tous les éléments brasés au cadre sont en inox, là encore méticuleusement polis.
Le pontet supérieur offre de jolis perçage…
Et la rondelle de serrage du garde-boue est elle même polie :
De même que le pédalier Shimano 105 :
Et le porte-bagage :
En haut, ce porte bagage sert de support de phare. Pour faire bonne mesure avec la connectique sans fil du moyeu, le câblage du phare passe à l’intérieur des tubes du porte-bagage, sortant et rentrant à chaque jonction jusqu’à la tête de fourche :
Le câblage du phare arrière est quant à lui invisible, et pour cause : le Pixeo de Spanninga (dont ici les flancs en plastique ont reçu de la peinture chrome, pour faire bonne figure) fonctionne à piles.
Car si les cycles Perrin jouent avec les codes de la randonneuse classique, la machine présentée illustre un vrai goût pour les innovations techniques, en général plutôt bien intégrées.
Le choix du freinage à disque est assumé jusque dans le renfort de cadre :
Comme d’autres machines du concours, la Perrin est équipée d’une Brooks cambium…
… à laquelle le ruban de cintre est assorti :
De même, le moderne support de compteur, tout alu, est raccord avec le reste du poste de pilotage :
Il y a deux autres domaines où l’adaptation à la modernité est plus marquée encore : le freinage d’abord. La machine est équipée de freins à disque hydrauliques :
Mais chez Perrin, on a tenu à conserver pour leur qualité des leviers de frein mécaniques traditionnels Campagnolo. Un convertisseur mécanique / hydraulique Hope V-Twin Brake a donc été intégré à l’arrière du porte-bagage avant :
Le boîtier et l’attache Klick-Fix (à l’arrière-plan sur la photo ci-dessus) encombrent un peu visuellement l’avant du vélo. C’est en particulier un peu plus gênant pour l’attache Klick-Fix qui détonne avec le reste du vélo. Les produits allemands ne sont en effet pas toujours gracieux et on a vu plus haut que l’équipe Cyfac avait pris le parti de refaire elle-même les supports Ortlieb. Dans le cas de Perrin, l’attache était d’autant plus dispensable que, lors du concours, le portage se fera uniquement avec des sacoches surbaissées. Reste que le convertisseur hydraulique montre bien le double encrage de la machine, double encrage globalement réussi et sans incohérence.
Un autre type de conversion présent sur cette machine intéressera un certain nombre de randonneurs.
Le moyeu à 14 vitesses intégrées Rohloff est une spécialité de la maison Perrin qui a acquis une grande expérience dans sa mise en œuvre sur des cadres sur-mesure. Même si la solution n’était peut-être pas la mieux adaptée au programme de la randonneuse légère, il a sans doute paru impossible au cadreur de ne pas la présenter sur sa machine. Les 14 vitesses du Rohloff offraient d’ailleurs une plage de développements bien adaptée à la variété des terrains parcourus pendant les trois jours d’épreuves.
Les leviers de vitesses disponibles pour le moeyu Rohloff ne sont malheureusement pas vraiment satisfaisants avec un cintre route : il existe tout au plus des poignées tournantes (dont un modèle développé par Gilles Berthoud) mais qui ne permettent pas un changement au levier. Cela peut être pénalisant pour les changements de vitesses dans les passages techniques comme l’étaient certaines portions du gravel.
Là encore, les cycles Perrin ont donc eu recours à une boîte de conversion – la Rohbox – permettant de changer les vitesses du moyeu à partir des leviers Campagnolo :
Les pattes étant verticales et le cadreur n’ayant pas voulu surcharger l’arrière d’un tendeur de chaîne, le boîtier de pédalier a été équipé d’un excentrique permettant d’obtenir une bonne tension de la chaîne sur cette transmission mono-pignon :
En somme, tout en faisant référence à l’histoire de la randonneuse, la machine des cycles Perrin a recours à des innovations récentes. Malgré cela, ce qui fait sa réussite , c’est sa vraie cohérence, obtenue notamment par un patient travail de polissage qui lui permet de faire cohabiter freins à disques et raccords polis le plus naturellement du monde.
La machine Pierre Perrin est arrivée à la 3e place du vote du public et à la 4e du vote du jury.
Voir la présentation de la machine sur le site du constructeur qui montre en particulier le travail de polissage et de modification réalisé pour parvenir à une randonneuse intemporelle à partir de composants actuels, le plus souvent en aluminium anodisé noir.
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Voilà. C’est fini pour la présentation générale des constructeurs. Pour voir la suite, il faudra attendre deux ans (et des cadreurs ont visiblement déjà pris date). En attendant, la plupart des constructeurs présentent ces machines sur leurs sites et réseaux sociaux et les amèneront probablement dans les prochains salons. On peut aussi leur rendre visite. Après tout, ils n’existent que parce qu’il y a encore en France des happy few aimant les belles virées sur de beaux vélos faits pour durer – et qui leur passent commande.
Le prochain numéro du magazine 200, co-organisateur de l’événement, à paraître début octobre, consacrera probablement une large place aux machines de ce concours avec notamment les belles photos studios qu’elles méritent. Je profite donc de l’occasion pour rappeler que, pour 20 €, on peut lire pendant un an ce trimestriel à la fois bien écrit et d’une belle singularité au milieu de la presse cycliste classique.
D’ici-là, on devrait obtenir quelques informations supplémentaires, notamment le détail des résultats, sur le site du Concours de Machines.
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Voir aussi les autres articles de la série consacrée au Concours de Machines 2016 :
– Ambert 2016 [1/5] : la renaissance du Concours de Machines
– Ambert 2016 [2/5] : la section amateurs et premières armes
– Ambert 2016 [3/5] : la nouvelle vague des cadreurs français
– Ambert 2016 [5/5] : composants et choix techniques